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Regards par la fenêtre


9/11...

J'ai 34 ans et moi aussi je rêve.

Ce doit être une mauvaise blague.

Nous sommes le mercredi 9 novembre, je me lève tout juste et j'ai bien peur malheureusement que ce ne soit pas une blague.

C'est une catastrophe, un cataclysme. Il me faut un cataplasme, j'ai le souffle coupé et la moutarde me monte au nez !

 

Il y a 4 jours encore, je pleurais au fond de ma baignoire en me demandant qui j'étais. Qui je voulais porter dans mon ventre : un livre ou un enfant ? Continuer d'arrêter ou bien commencer à reprendre ?

Il y a 4 jours encore, je pleurais en me regardant dans le miroir parce que je ne me reconnaissais plus. C'est quoi ces joues trop rondes et ce profil épaissi ?

A vrai dire, je m'y attendais.

Les voici, les voilà, les 1ers dégâts de 36 jours sans tabac ! 36 jours c'est énorme, n'est-ce pas ? Comme mon ventre et comme mes hanches.

Je n'ai jamais tenu aussi longtemps. Ce sont les 36 premiers jours sans fumer de toute ma vie. On dirait bien que ce sont eux qui sont venus se loger au creux de mes joues, de ma taille et de mes fesses.

 

J'ai 34 ans, bien tassés.

Les 35 sont déjà là, en embuscade au coin de la rue. Ils n'hésiteront pas à faire usage de leur bombe de peinture pour faire pâlir mes cheveux.

Il y  a 4 jours encore, je pleurais  en essayant de me reconnaitre dans le reflet de ma page blanche.

36 jours sans tabac. 36 jours sans écrire.

Les personnages de mon roman dépriment au fond du tiroir de mon bureau. Ça me fait de la peine de les entendre éternuer à cause de la poussière qui les recouvre.

 

Je n'aurais jamais dû arrêter.

Je n'aurais jamais dû commencer.

Et pourtant je le savais.

Maintenant, je ressemble à un gros sac de 34 années entassées. Mon baluchon percé s'est vidé, je n'ai plus d'idées. J'ai jeté mon cendrier et l'inspiration avec.

Il y a 4 jours encore, je souffrais de l'air libre qui courait dans mes poumons et de mes ailes plaquées au sol dans une nappe de goudron.

 

Je me trompais.

Nous sommes le mercredi 9 novembre et je pince mes joues trop rondes pour sortir du brouillard, m'éveiller de ce cauchemar.

 

Le problème n'est pas d'avoir commencé, arrêté, repris ou continué.

Non, le problème c'est d'avoir tout bêtement oublié mon rêve en chemin, comme un chien sur une aire d’autoroute. Tout ce temps où j'ai marché à côté de lui, fidèle compagnon, sans un regard, sans prêter attention à son refrain lointain et lancinant, pareil à la chanson des vagues.

Non, personne ne m'a volé mes ailes. Personne ne m'a coupé le souffle.

 

Ce matin en écoutant les informations devant mon café brûlant, ça me saute au visage comme une bombe en plein métro. On vient de m'annoncer une terrible nouvelle, une catastrophe, un cataclysme.

Il me faut un cataplasme, je crois que je suis malade. Comme s'il ne me restait plus que 6 mois à vivre. 6 mois à vivre libre.

Mon nez me pique, mes yeux s'enrhument. Alors ma plume revient me chatouiller la nuque et me dessine un livre.

Un frisson me traverse. Je le reconnais. C'est mon rêve !

Accroché dans mon dos comme un poisson d'avril, comme une bonne vieille farce, caché dans l'ombre, dans l'angle mort, ce matin, le voilà qui se réveille et mord à l'hameçon.

Alors là-haut dans mon âme, ça remue de nouveau, ça fait des bonds, ça fait des ronds et puis des vagues.

Ça fait bouger mes hanches, mes fesses et puis mes joues. Elles sont rondes et alors ? Elles sont à moi et je les aime comme ça !

Mes cheveux peuvent bien s’éclaircir à mesure que je noircis ma page. Les mots reviennent emplir mon baluchon et la nicotine fait ses valises pour de bon.

 

Il y a 4 jours encore, je pleurais parce que je m'étais trompée.

Nous sommes le mercredi 9 novembre et je serre mon rêve dans les bras en lui promettant de ne plus jamais l'abandonner.

Peu importe ce que je porterai dans mon ventre, je jure de toujours le regarder droit dans les yeux et d'écouter la musique qu'il me souffle au creux de l'oreille. 

 

J'ai 34 ans, bientôt 35.

Il y a 4 jours, quelque part dans ce monde étrange, tu as eu 36 ans, en rêvant d'Amour, d'eau fraiche et de l'être "ange".

Demain un président, du haut de sa Tour Eiffène, voudra bâtir un mur de haine pour que l'on ait soudain peur de son voisin, là-bas de l'autre côté.

J'ai 34 ans et moi aussi, j'ai les bras lourds.

Puis je vois le visage de mon rêve, j'entends son souffle glisser sur moi et me murmurer : « Peu importe ton reflet dans le miroir, le monde n’est qu’une Illusion. Saute dans le dessin tant qu’il est temps ! »

Alors je me ressaisis. Et je m’élance dans le vide.

Parce que je l'ai promis.

 

La voisine, 09/11/2016-06/12/2016.


06/12/2016
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" Irremplaçables intermédiaires "

Aujourd'hui, je ne fais que reprendre les mots d'un Monsieur que j'admire beaucoup tant ses oeuvres, qui m'accompagnent depuis quelques mois, me bouleversent... Non, ce n'est pas parce que c'est le tonton de qui vous savez (ça c'est la cerise sur le gâteau ! ).

Simplement parce que je trouve ses mots tellement justes, vrais et beaux...

Merci Amin Maalouf !

 

 

Extrait de Le Dérèglement du monde, Amin Maalouf, Ed. Grasset & Fasquelle, 2009

 

 

 

 

" C'est un tout autre discours que l'immigré a besoin d'entendre en ce nouveau siècle. Il a besoin qu'on lui dise, par les mots, par les attitudes, par les décisions politiques : « Vous pourrez devenir l'un des nôtres, pleinement, sans cesser d'être vous-même. » Ce qui signifie par exemple : « Vous avez le droit et le devoir d'étudier notre langue, en profondeur. Mais vous avez aussi le droit et le devoir de ne pas oublier votre langue d'origine, parce que nous, qui sommes votre nation d'adoption, nous avons besoin d'avoir parmi nous des personnes qui partagent nos valeurs, qui comprennent nos préoccupations, et qui parlent parfaitement le turc, le vietnamien, le russe, l'arabe, l'arménien, le swahili ou l'ourdou, toutes les langues d'Europe, d'Asie et d'Afrique, toutes sans exception, afin que nous puissions nous faire entendre de tous les peuples de la planète. Entre eux et nous, vous serez, dans tous les domaines — la culture, la politique, le commerce —, les irremplaçables intermédiaires. » "

 

 

 

Sur ces belles paroles, je me tourne vers un quartier de Bordeaux où j'ai passé assez de temps pour que les lignes que je viens de citer résonnent encore plus fort.

Il parait qu'il s'y prépare une bien belle aventure dans les jours qui viennent. On parle de nomades, de voyageurs, de métissage, de rencontres, de solidarité ... entre autre...

 

 

Au plaisir de s'y croiser !

 

 

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12/09/2016
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"Croire en l'homme me suffit"... (Stéphane Hessel)

Que se passe-t-il ? Comment en est-on arrivé là ?

Toujours ces mêmes questions qui me reviennent sans cesse à chaque fois que j'ai le malheur d'allumer la radio pour écouter les informations de minuit.

Où va le monde ? Je ne crois pas ce que j'entends.

Hier New York, Kaboul, Sousse, Paris, Bruxelles, Orlando, Istanbul...

Aujourd'hui Nice.

Je ne peux m'empêcher de penser à demain.

 

Toutes ces villes où j'ai laissé des souvenirs, où j'aurais pu m'en faire. Mes empreintes sur les pavés, des photos par centaines, des ampoules aux pieds, des nuits torrides hors du temps et de la réalité. Et la promesse, toujours la même, d'y revenir bientôt, d'y aller un jour.

Tous ces visages, toutes ces vies que je ne connaissais pas. Que j'aurais pu croiser, comme ça, au hasard d'une rue, sur le banc d'un parc ou d'un arrêt de bus, à la terrasse d'un café, dans une salle de concert. Toutes ces vies qui ont peut-être croisé la mienne sans que je le sache, sans que j'aie le temps de leur dire bonjour, merci, au-revoir.

Tous ces enfants qui ne naitront pas, qui ne connaitront pas le bonheur de fouler cette bonne vieille terre que l'on piétine impunément. Tous ces parents qui ne le seront jamais, partis trop tôt, trop vite, comme un feu d'artifice raté dans l'innocence de leur jeunesse. Ils ne sauront pas ce que c'est que de se réveiller en pleine nuit pour ramasser le doudou tombé parterre ; de sentir leur gorge se serrer en regardant leur petit bout leur lâcher la main et s'avancer pour la première fois vers le portail de l'école ; de l'attendre quelques années plus tard sur le canapé jusqu'à 4h du matin et percevoir dans son regard une étincelle nouvelle, pudique, qui l'a fait grandir d'un coup.

Toutes ces belles histoires qui ne s'écriront pas, toutes ces aventures, tous ces projets avortés, étouffés dans l'oeuf.

 

Que se passe-t-il ? Comment en est-on arrivé là ?

Toujours les mêmes questions qui viennent titiller ces deux sentiments que je ne parviens pas à chasser.

Hier l'Afghanistan, l'Amérique, le Liban, la Côte d'Ivoire, l'Irak, la Syrie... à travers mon écran de télévision.

Aujourd'hui l'Europe, aujourd'hui mon pays.

Aujourd'hui j'ai peur et j'ai honte parce que la télé ne me protège plus, parce que ça se passe en bas de chez moi et plus de l'autre côté de la mer. Parce que ce sont mes plages, mes rues qui saignent. Parce que la flaque se répand jusque devant ma porte. Parce que tout d'un coup ça me réveille la nuit et ça m'empêche de dormir.

J'ai honte et j'ai peur que la bombe se rapproche de moi, qu'elle m'arrache un bras, une jambe, la bouche, le coeur. Qu'elle me prenne un membre de ma famille, un ami, mon amour. Qu'elle me prive d'un oeil, d'une oreille, d'une main. Qu'elle m'enlève tous mes livres, qu'elle brûle toutes mes pages, qu'elle me vole ma trompette. Qu'elle efface l'enfant que je dessine en secret et toutes les histoires que je voudrais lui raconter, qu'elle l'empêche de porter le nom que je ne lui ai pas encore donné.

J'ai honte et j'ai peur que le monde se crispe, se fige, se concentre en deux pôles qui se repoussent comme des aimants. Que toutes les plages, que toutes les rues se vident, que les portes encore ouvertes se referment et se cadenassent à double tour. Que l'on ait peur de son voisin parce qu'il porte une barbe, de sa voisine parce qu'elle cache ses cheveux, de lui qui aime les hommes, d'elle qui ne croit pas en dieu, de ces roulottes qui dansent autour du feu. Qu'il n'y ait plus d'espace libre, plus de banc sur lequel s'assoir en attendant de rencontrer quelqu'un pour lui raconter son histoire, son présent, ses rêves et ses illusions. Pour transmettre un bout de soi, un instant, un détail, un petit rien qui s'enrichit à chaque banc qu'il trouve.

 

Que se passe-t-il ? Comment en est-on arrivé là ?

Toujours ces mêmes questions qui me hantent.

 

Pourtant ce soir, je veux encore y croire. Je veux encore me dire que la vie est belle.

Sur la terrasse du café où je bois mon verre de vin, dans le tramway que je viens de prendre, dans le baiser fougueux que deux passagers ont échangé juste avant que j'en sorte. Dans la poussette qui frôle ma table, dans le regard insouciant de ces enfants qui font de la trottinette sur les quais, dans le courant de la Garonne qui continue de descendre inlassablement vers l'océan. Dans ce flot de sourires et de vie qui ne s'éteindront pas.

Oui, je veux encore y croire, ce soir, demain et le jour d'après.

Je veux croire dans mon espèce si complexe mais ô combien essentielle, dans sa force, dans sa richesse, dans son amour.

Parce qu'elle écrit des pages que nulle autre espèce ne serait capable d'écrire.

Parce que lorsqu'elle se met à chanter, à crier, à hurler dans son cornet magique, l'univers tout entier s'arrête et se retourne pour l'admirer.

Parce qu'alors elle me donne envie de grimper au sommet de la dune, de prendre mon élan et de sauter en ouvrant grand mes ailes vers l'avenir.

Parce qu'elle sait donner tant d'amour et le partager si fort quand elle veut qu'elle a le pouvoir de réduire en poussière toutes les bombes du monde...

 

La voisine, le 23/07/2016.


24/07/2016
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Une nouvelle copine

Aujourd'hui, grâce à mon chien, je me suis fait une nouvelle copine. Ginette, la quatre-vingtaine bien tassée.

Il ne le sait pas ça, Médor, mais moi je le dis : le chien, quel super vecteur de lien social !

 

Comme chaque matin, on se promenait tous les deux autour du pâté de maisons. Je m'apprêtais à pousser la porte du salon de coiffure pour prendre un rendez-vous, quand elle est arrivée droit sur nous. Comme mon chien est beau ! Qu'il est mignon ! Quel âge a-t-il ? Ah oui ? Il ne les fait pas. La sienne est décédée il y a huit ans, deux semaines après la mort de Fernand. La pauvre chienne n'a pas supporté. Ginette, elle, est restée.

Et ce matin, devant chez le coiffeur, elle m'a parlé de plus vieux qu'elle. Plus vieux et plus misérables. Moi qui la plaignais quand je la croisais quelquefois, clopinant, frêle petit oiseau des matins brumeux, entre la Poste et la boulangerie. Je me suis encore faite avoir par les apparences. Elle est pas si mal en point que ça la mamie et elle a toute sa tête, ou presque. En tout cas, elle n'a pas la langue dans la poche de son petit manteau élimé. Ça non, elle en a des choses à dire Ginette !

Non, elle ne me retarde pas, même si Médor n'est pas tout à fait d'accord avec moi. Il tire sur sa laisse en pointant la truffe vers la suite de la balade.

Comment est fait le monde ? Elle ne le comprend pas Ginette. Elle ne le comprend plus. Elle ne supporte pas de voir des petits vieux tendre la main devant la boulangerie. Rien que d'y penser, ça lui donne le frisson. Alors, elle va leur acheter un pain aux raisins, ou un steak haché, si le mendiant change de crèmerie.

Comment est fait le monde ? Elle ne le comprend pas. Maintenant c'est marche ou crève. Tant pis pour ceux qui ne mangent pas à leur faim. Elle ne supporte pas les commentaires des gens sur les pauvres. Elle ferait mieux de s'occuper de ses fesses et de sa maigre retraite de cheminote, qu'on lui dit. Alors elle les insulte dans sa barbe et les menace de son petit poing serré et tremblant. Les chiens sont plus humains que les hommes...

Malgré l'insistance de Médor à abréger la conversation, je n'ai pas su lui dire non quand elle m'a proposé de visiter son appartement. Je n'ai pas su refuser la porte ouverte de cette mémé renfrognée mais rigolote qui me rappelle un peu Lulu quand elle bougonne du haut de son balcon.

C'est que son appartement n'est pas comme tous les autres de la résidence. C'est l'appartement témoin, que ses "pestes de voisines" lui envient. Parce qu'il est mieux fichu et plus grand. Il a la baignoire quand les autres ont la douche et une cuisine spacieuse et un vaste séjour. Elles lui en veulent ses voisines, elles la jalousent, c'est normal. Pourquoi c'est Ginette qui a droit à l'appartement témoin ? C'est injuste. Mais Ginette, est-ce que c'est sa faute à elle ? Les autres n'ont qu'à se plaindre à Gironde Habitat et lui foutre la paix !

C'est vrai qu'il est grand cet appartement, Médor peut en attester. Bien sûr qu'il a pu entrer, et puis quoi plus encore ? Il est bien brave lui aussi.

Alors Médor et moi on a visité l'appartement témoin...témoin de la solitude, de la vieillesse, du temps qui passe. Je ne me suis peut-être pas trompée sur un point : Ginette est seule, ce grand deux pièces le lui crie au visage. Même Médor ne sait plus où se mettre, je sens bien que cet endroit le met mal à l'aise.

Pourquoi associe-t-on si souvent vieillesse et solitude ? Ma mamie à moi, elle n'est pas seule, bien au contraire et sa maison qui est dix fois plus grande ressemble à un moulin dont les pales ne s'arrêtent jamais de tourner.

Est-ce à cause de toutes ces "pestes", de tous ces "cons" à qui elle rend service sur ses petites jambes usées et qui ne le lui rendent jamais ? Comme cette sorcière du rez-de-chaussée, juste en dessous. Elle se mêle un peu trop de ce qui ne la regarde pas celle-là. N'empêche qu'il paraît qu'elle fait des trucs bizarres avec les esprits et les cartes à la nuit tombée... Ça n'empêche pas Ginette de lui ramener une baguette quand elle part à la boulangerie.

Elle est bien bête, elle le sait. Sa soeur n'est pas comme ça. Fernand le disait, elle ne se ressemblent en rien. Elle a essayé une fois pour voir si sa soeur accepterait de lui prêter 10€. La pauvre femme, ce jour-là, n'avait pas de monnaie sur elle.

Elle est bien bête Ginette, elle le sait. Mais c'est comme ça, elle n'y peut rien.

Comment est fait le monde ? Elle ne le comprend plus. Elle n'a pas été élevée comme ça. Quand elle était petite, sa mère lui interdisait de manger ses carrés de chocolat devant les enfants qui n'en avaient pas. Elle devait croquer dans son quignon de pain sec, si sa mère n'offrait pas du chocolat à tous ses petits copains.

Pendant qu'elle me raconte la troisième version de son histoire, j'essaie d'imaginer le visage de Ginette quand elle était jeune. Je n'y parviens pas. Je cherche dans la faible lueur qui brille encore un peu dans ses yeux, mais l'heure tourne et Médor s'impatiente. Je réunis alors toutes mes forces et mon courage pour trouver le moyen de prendre congé de Ginette qui dit au revoir à l'infirmière passée lui porter ses médicaments. Elle m'a présentée comme une amie et a mis en garde l'infirmière : Médor peut mordre, Médor monte la garde ici désormais !

Comment refermer la porte de cette petite mamie qui me l'a ouverte ce matin, comme ça, pour parler un peu entre copines, pour être moins seule quelques heures ?

Je me lève malgré tout. En me dirigeant vers la sortie, je l'écoute me raconter sur quels boutons elle appuiera quand je sonnerai depuis en-bas, la prochaine fois que je viendrai. Parce que je reviendrai, pas vrai ? Et Médor aussi. Elle me donnera des oeufs de la ferme de son neveu. Elle me les donnera à moi et pas à tous ces ingrats qui ne savent pas dire merci.

Je descends les escaliers, un petit sourire triste au coin des lèvres. Retournerai-je voir Ginette un de ces jours ? Se souviendra-t-elle de moi ? Aurai-je l'envie et la force d'écouter les mêmes histoires dans cet appartement gris ? Je n'en sais rien.

 

En attendant, c'est la seule qui ne compare pas mon chien à un vieillard, qui le trouve même en forme. Alors, rien que pour ça, Ginette c'est ma copine !

 

La voisine, 24-26/05/2016.


26/05/2016
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Pensée du mois de mai...

Ce soir, notre pensionnaire s'en va.

Il vient de déposer les clés sur la table devant moi.

Il a fini sa bière et la dernière cacahuète.

Il a trinqué avec nous et puis il est parti en nous disant "A tout de suite et à tout jamais".

Il a pris ses valises et a refermé la porte.

Combien de temps est-il resté ?

Peu importe, ce soir notre pensionnaire s'en va.

Ce n'est pas si difficile que ça finalement, d'ouvrir une porte.

Ça coûte quoi ? Pas grand chose sinon rien.

Ça  fait une lumière de plus qui brille le soir et parfois même une voix supplémentaire à table.

Ça donne des apéros surprises et des discussions interminables au café du matin dans le jardin.

Ça bouleverse un peu la solitude, amie tenace, ça la perturbe, ça la houspille.

Ça fait du bien !

Ce n'est pas si difficile que ça finalement, d'ouvrir une porte.

Ce soir, notre pensionnaire s'en va.

Les clés me regardent en coin sur la table devant moi.

La chambre d'ami va redevenir mon bureau.

Je vais pouvoir y revenir travailler, y revenir écrire.

Je vais pouvoir quitter le canapé de la salle à manger et reprendre place dans mon fauteuil d'orchestre.

Dans mon chez moi, dans cet espace, cette crotte de mouche ridicule dans l'univers où je me suis proclamée reine.

Je vais regagner mon territoire...

Sauf que ce soir, notre pensionnaire s'en va.

Ce n'est pas si difficile que ça finalement, d'ouvrir une porte, même celle de son chez soi, de son petit territoire de rien du tout.

Peut-on accueillir celui qui n'a pas d'autre choix que de nous le demander ?

Quelle question absurde !

La porte que l'on ferme sera toujours plus lourde que celle que l'on ouvre...

 

La voisine, le 03/05/2016.


16/05/2016
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