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Archives 2014 et plus ancien encore...


Une petite bulle

Une petite bulle, au départ minuscule,

posée sur une feuille, presque ridicule.

Elle observe autour d’elle le monde

et sa drôle de ronde,

sans bouger le petit doigt

ou alors juste un peu, comme ça…

Et puis le vent agite la branche,

doucement d’abord.

Doucement alors,

la petite bulle se penche.

Elle se balance, commence sa danse et lève

bien haut les yeux et la tête

Autour d’elle c’est la fête,

comme dans un rêve.

D’autres bulles, des points et des virgules.

 

Et puis le vent se met à souffler plus fort.

Plus fort alors

et sans effort

la bulle, au départ minuscule,

se gonfle, rigole et s’envole.

La voilà partie sur son nouveau tapis,

sans parti pris, sans contrepartie.

Elle passe au-dessus de la scène,

virevolte dans la lumière,

s’emplit encore, encore d’oxygène,

trouve des portes et regarde à travers.

Minuscule mini bulle, presque ridicule

qui ne bougeait pas le petit doigt

ou alors juste un peu, comme ça…

 

On dirait qu’elle n’a plus peur,

on dirait qu’elle a le droit.

Oui, on dirait bien qu’il est l’heure

d’être légitime dans ses choix.

S’autoriser enfin à prendre une place

pour se coller aux autres ou pour remplir l’espace.

En suivant le courant,

en courant dans le vent,

enlevant les verrous

enlevant les barrières

pour se barrer.

Vers où ?

Certainement pas en arrière.

 

Certes, elle part à l’aventure,

certaine ou pas, qu’importe,

le futur ne se commande pas

comme pour toutes les autres,

toutes les autres bulles,

grandes, moyennes ou minuscules.

Ce qui compte ce n’est pas la taille ni la couleur,

verte, jaune ou bien rouge écarlate,

Car la bulle au bout du compte,

car la bulle au bout du conte éclate.

Et que la terre est belle alors, quel bonheur !

Que la terre est belle de si bonne heure !

Le jour se lève à peine,

mes deux mains s’éveillent tout de même

et ramassent ce qui reste de la bulle :

Une parenthèse inattendue, des points d’exclamation,

des apostrophes, des virgules,

quelques points de suspension,

des patates, des fous rires, des pépites et des étoiles.

Déjà demain s’affole

et mes deux pieds quittent le sol.

Me voilà prête pour composer une nouvelle toile.

 

La voisine, 28-29/11/2014.

 


29/11/2014
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Les 5 amis

Ils étaient là, les cinq amis, accoudés au comptoir sur la place du village, dans la nuit. Ils étaient là, réunis pour un soir, à rire comme des enfants en se moquant d’un sixième, motard barbu grisonnant.

Ils n’ont pas vu les heures tourner, leurs verres se vider, leurs poumons déborder de fumée, trop occupés à rouvrir les tiroirs du passé ; tiroirs remplis de costumes et de trésors comme seules les malles d’un grenier peuvent en cacher.

Ils étaient là, les cinq amis, à pouffer de leurs blagues ridicules qui ne font rire qu’eux, à ricaner en se prenant par le coude.

Ils n’ont pas vu les années défiler, leurs cernes et leurs rides se creuser, leurs cheveux changer de couleur. Ils n’ont pas senti le temps leur glisser entre les doigts et se dérober sous leurs pas, trop heureux qu’ils étaient ce soir-là de se retrouver au même moment au même carrefour.

Ils étaient là, les cinq amis, titubant sous le regard complice de la lune, les yeux luisant d’ivresse.

Ils n’ont pas entendu pleurer secrètement leur cœur, ils n’ont pas vu les larmes qui coulaient en silence sur leurs joues rougies d’émotion, trop attachés à emprisonner l’instant dans les filets de leur bonheur magique et éphémère.

Ils étaient là, les cinq amis, se tenant par l’épaule et fixant l’objectif de l’appareil pour figer ce moment dans une dernière grimace.

Ils étaient là, se tenant par l’épaule, par le coude, par la main, collant leurs joues les unes aux autres dans des éclats de rire à réveiller le village endormi.

Ils étaient là, à regarder sur l’écran chaque prise de vue, ne se satisfaisant d’aucune et reprenant la pose encore une fois.

Ils étaient là, les cinq amis, à retenir de toutes leurs forces les aiguilles du temps et le courant de la vie qui bientôt les feraient reprendre la route, chacun de son côté.

 

 

La voisine, 18/09/2014 et  22/11/2014


22/11/2014
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J'y suis, j'y reste!

J’y suis, j’y reste !

C’est ma place, retire ta veste.

Je me suis battu pour l’obtenir,

Alors va-t’en plus loin souffrir.

Ne me regarde pas comme ça,

Je ne te donnerai rien.

Non, mais qu’est-ce que tu crois ?

Je ne suis pas responsable de ton destin.

Je suis un honnête homme.

Moi je n’ai jamais rien demandé à personne.

 

J’y suis, j’y reste !

Fallait se lever plus tôt, pas faire la sieste.

Mais ça, vous ne savez pas ce que ça veut dire,

Vous qui passez votre temps à dormir.

Les gens comme toi, je les connais bien,

Des parasites, des profiteurs et des vauriens.

Alors va-t’en ailleurs

Importuner les autres.

Laisse-moi tranquille dans mon bonheur,

Je te répète, ce n’est pas de ma faute.

 

J’y suis, j’y reste !

Non, mais c’est fou ce que tu empestes !

Arrête de me regarder comme ça,

Je n’ai pas pitié de toi.

Toi et tes amis alcooliques,

Drogués, voleurs, tueurs d’enfants,

On paye pour vous, si ce n’est pas sadique !

On paye pour vous en travaillant.

Tu ne t’es pas endetté pour ta maison,

Alors ne me donne pas de leçons.

 

J’y suis, j’y reste !

Vous êtes pires que la peste.

Tu as raison de baisser les yeux.

Attends, retourne-toi un peu.

Ça alors, Robert, c’est à toi que je parle !

Que fais-tu là, c’est quoi cette tenue ?

Qu’est-ce que tu dis, quel plan social ?

Arrête ton char, on m’aurait prévenu.

Non, je n’ai pas ouvert ma boite aux lettres…

Mais non…elle est à moi cette place, j’y suis, j’y reste !

 

 

La voisine, 26/07-02/09/2014.


03/09/2014
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Comme dans une bulle de verre

Comme dans une bulle de verre,

Comme dans un verre à ballon,

Comme dans une balle en mousse,

Comme dans la mousse de mon bain.

L’eau n’est pas chaude, mais je n’ai pas froid.

Je ne reconnais pas ma salle de bain, mais je me sens bien.

Les murs s’écartent,

La musique m’emporte

Et je les suis de loin.

Si je pouvais voler, je serais peut-être au-dessus d’eux,

A les contempler depuis le plafond,

Depuis le ciel.

Comme dans un œuf en plastique,

Comme dans un ventre qui se serre,

Comme dans un canapé trop mou,

Comme dans une bulle de verre.

J’aimerais chanter, mais le rhum n’est pas assez chaud.

Je voudrais danser, mais mon corps est trop lourd.

Les murs se resserrent,

Le plafond s’abaisse

Et je ne vois plus très bien.

Si je pouvais voler, je m’enfuirais par la fenêtre,

Mais quelque chose me retient.

Quelque chose m’échappe, me rattrape.

Comme dans une bulle de verre,

Comme dans une balle de plomb,

Comme dans le ventre d’une guitare,

Comme dans la cage d’une chanson.

Comme si je n’étais pas là,

Comme si nous ne faisions qu’un,

Comme si j’étais chacun d’eux,

Comme si je n’étais plus personne.

Comme si je devais partir tout de suite,

Comme si j’avais le droit d’exister,

Comme si tout se résumait à ce soir,

Comme si la vie tenait dans une bulle de verre.

Un verre à ballon,

Une balle en mousse,

La mousse de mon bain.

Il n’y a plus d’eau, plus de murs, plus de plafond, plus de ventre.

Il ne reste que la musique.

Et un sourire.

Le tien, le mien.

La nuit a disparu.

Je ne veux plus être un oiseau.

 

La voisine, le 16/08/2014.


31/08/2014
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Les fleurs de mon jardin

Comme elles sentent bon les fleurs de mon jardin !

Comme elles sont belles, comme elles sont fières !

Comme je les aime ce soir

Et toutes les nuits où la lune leur sourit !

Je me suis attachée à ce bout de nature.

Je l’ai chéri comme un enfant,

M’émerveillant tous les jours

Des surprises qu’il me prépare en silence.

Je lui ai confié mes secrets

Tout en le regardant grandir

Et se répandre devant ma porte.

En réponse, il m’a donné ses fruits,

Ses couleurs et son parfum.

Pourtant je sais que l’été ne durera pas.

Je sais déjà que viendra l’heure de se quitter,

Doucement, dans lumière pâle des matinées d’octobre.

Les couleurs vont s’éteindre

Et la brume recouvrira peu à peu

Le parfum enivrant de ces soirées aux portes ouvertes.

Ne resteront plus alors que des souvenirs,

Savoureux, chauds et enveloppants.

Les restes d’un moment de vie éphémère

Qui ont ensoleillé la mienne,

Désormais bien au chaud devant la cheminée.

Comme elles sentent bon les fleurs de mon jardin !

Profitons-en !

 

 

La voisine, le 25/07/2014.


31/08/2014
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Il a mon âge

 

Il a mon âge. Il est grand. Il est beau. Depuis des jours, son sourire ne s’en va pas de ma mémoire. Il m’a parlé longuement, pendant des heures, assis en face de moi, avec ce sourire qui ne le quittait pas. Je l’ai écouté longuement, pendant des heures, assise en face de lui, fascinée par ce visage plein de lumière.

Il a mon âge. Il est grand et beau. Sa voix résonne dans ma tête comme une douleur lancinante. Ce soir encore, ses yeux transpercent les miens ; ses yeux remplis d’espoir et de crainte, ces yeux dans lesquels j’ai deviné les rêves d’un petit garçon que le monde des grands a étouffés. Ce soir encore, en regardant les oiseaux reprendre possession du ciel, j’entends son histoire courir dans mes veines et jusqu’au fond de mon ventre.

Il a mon âge et il est beau. D’autres que moi l’ont aussi compris.

Comment peut-il accepter de se salir et d’abimer son corps ? Comment peut-il supporter les regards de mépris qui suivent chacun de ses passages ? Comment peut-il encore sourire malgré les injures silencieuses et les abus ?

Alors que les fleurs nocturnes s’éveillent et répandent leur parfum dans tout mon jardin, je sens celui de cet homme comme s’il était à côté de moi, l’odeur de sa peau qui a dormi dehors ou dans un lit dont elle se serait bien passée.

Il est beau, il a mon âge et il est grand. Grand et beau comme chacun de nous mérite de l’être, comme le respect pour lequel personne ne devrait avoir à se battre, comme son sourire et comme ses yeux qui croient toujours que la vie est belle.

Alors cette nuit, peut-être le laisserai-je enfin me quitter pour aller rejoindre la place qui l’attend entre la rue et les étoiles.

 

 

La voisine, le 20/07/2014.


01/08/2014
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Ai-je le droit?

 

Ai-je le droit de dormir dehors ? Est-ce légal ? Est-ce que la loi m’autorise à m’emballer dans un carton au coin de la rue le soir venu ? Me permet-on au mieux de transformer mon vieux rafiot en caravane de fortune sur le parking d’une station de tramway ? Ai-je la bénédiction de tous d’y faire vivre mes enfants depuis des mois, depuis Noël ?

Ai-je le droit de ne pas trouver cela normal ? Est-ce un caprice ? Trouverait-on abusé si je frappais aux portes pour demander de l’aide ? Est-ce une aberration que d’avoir cru un instant qu’ici nous serions heureux, qu’ici j’avais des droits ? Suis-je donc alors coupable de cette erreur au point d’envier ce chien qui dort dedans les soirs d’orage ?

 

Et moi, ai-je le droit de le laisser partir sans lui donner de réponse ? Est-ce mon métier ? Est-ce que ma fiche de poste stipule que je lui serre la main en souriant pour l’inviter à quitter mon bureau et retrouver la rue ? Suis-je payée pour voir ces vies défiler, assise sur ma chaise sans bouger ? Ai-je, moi aussi, la bénédiction de tous d’être un espoir de plus pour tous ces gens dans cette bataille perdue d’avance ? Est-ce une aberration que d’avoir cru un instant qu’aider n’était pas que du vent, qu’ici les droits de l’homme étaient inscrits dans la constitution ? Suis-je donc aussi coupable de cette naïveté au point d’envier ce chien qui ce soir ronge paisiblement son os dans mon jardin en fleurs ?

 

 

La voisine, le 02/07/2014.


01/08/2014
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Le plus difficile c'est la première heure

Le plus difficile, c’est la première heure. Soixante longues minutes qui suivent le départ et nous séparent de lui. Ce laps de temps oppressant où l’on se sent tout d’un coup seul au monde et vide de tout. On sait que cela ne va pas durer, comme tout le reste, que ces minutes aussi vont finir par passer. Alors, justement, on attend que ça passe. On attend comme on peut. On regarde son chien galoper dans les hautes herbes et pour qui rien n’a changé.

Le plus difficile, c’est la première heure. Quand la grande aiguille n’a pas encore fait le tour du cadran et que l’on lutte pour ne pas la renvoyer en arrière, pour ne pas penser à ce que l’on faisait quelques chiffres plus haut, quelques minutes plus tôt. Ce laps de temps oppressant où, comme un chien, on se tient prêt derrière le portail, tendant l’oreille en espérant reconnaitre les bruits de pas familiers déjà de retour. On sait que cela ne va pas durer. On sait que la vie normale ne va pas tarder à reprendre son cours et que le monde va se remettre en marche. Alors on attend que ça passe, figé dans le néant, jusqu’à ce que l’aiguille ait fini son tour de manège.

C’est à chaque fois la même chose. Comment le départ de l’autre peut-il nous anéantir autant, ne serait-ce qu’un court instant ? Comment le monde autour de nous peut-il se dérober subitement derrière les pas de celui qui s’en va ? Est-ce parce que l’on reste ? Pendant cette première heure, pensées et sensations s’entrechoquent, se confondent, se contredisent. Le voile de la solitude obscurcit l’avenir. On ne croit plus au présent qui glisse irrémédiablement dans le vaste océan des regrets du passé.

Soixante minutes se sont écoulées. Le cœur se remet peu à peu à battre normalement, le ventre se dénoue et les mouvements animent de nouveau le corps tout entier. Il faut cependant attendre encore un peu pour pouvoir regarder la pendule en face sans danger. Cela ne fait guère plus d’une heure, une rechute est possible. Se trouver des occupations, penser à autre chose. Le temps d’être sûr que la douleur ne va pas se réveiller, le temps de s’éloigner du portail. Le temps que le voile se lève complètement et que l’on fasse de nouveau des projets pour demain sans se retourner.

Le plus difficile, c’est la première heure.

 

 

La voisine, le 06/06/2014.


01/08/2014
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Encore une fois ils sont partis

Encore une fois ils sont partis et je suis restée. Encore une fois la journée s’est enfuie à toute allure. Elle n’a pas voulu emprisonner les rayons du soleil et retenir le vent du sud. Elle n’a pas cédé à mes appels du pied la priant de freiner la course de l’horloge pour les garder tout près de moi, encore un peu. Ils sont partis. Je suis restée.

Chacun leur tour, le soir me les a pris et les a emportés au loin, comme les nuages qui passaient au-dessus. Chacun leur tour, ils ont disparu derrière le muret pour rejoindre la vie qui bat de l’autre côté. Encore une fois, aujourd’hui s’en est allé dans sa beauté furtive. Demain promet d’être interminable.

Je continuerai d’arroser le jardin et balayer ma cour. Je me trouverai des choses à faire et je feindrai de ne penser qu’à moi. J’irai me coucher sans regarder par la fenêtre, sans chercher la lumière qui ne s’allume pas, ce soir encore. Je lutterai contre l’envie de rejoindre ce grand lit qui n’est pas le mien, contre l’espoir que durant la nuit, un souffle vienne se fondre dans ma nuque. Je me forcerai à ne pas attendre ce sourire, cet éclat de voix, toutes ces braises qui maintiennent mon cœur au chaud.

Encore une fois.

 

 

La voisine, mai 2014.


01/08/2014
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Dans l'oeil du tigre

 

C’est l’histoire d’une jeune femme

Au jour 1 de sa vie.

Elle fuyait une dame,

Une petite fille aussi.

Elle partit en voyage

Et tomba sur œil.

Celui d’une bête sauvage,

Un tigre plein d’orgueil.

Dans leur chanson commune,

Ils se firent une promesse.

Protégés par la lune,

Ils entrèrent en liesse.

Désormais plus jamais

Ils n’entendraient les cris

Des démons du passé,

Fantômes de longues nuits.

A la place, une route

Qui file droit devant,

Parfois semée de doutes

Mais belle comme le vent.

Un jour, elle s’arrêta

Juste au bord d’un fossé

Dans lequel elle trouva

Deux êtres qui pleuraient.

Elle leur ouvrit la porte

Et fit monter l’enfant

Dans son humble roulotte

Puis dit à la maman :

« Je ne veux plus vous fuir,

Je n’ai plus peur de vous.

Fortes des souvenirs

Et libres comme tout,

Reprenons toutes trois

Cette route qui est la nôtre,

Puisque vous êtes moi

Et que je suis votre hôte. »

 

 

La voisine, le 12-15/05/2014


01/08/2014
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