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2016


Une toute petite voix

La sacoche a manqué me tomber sur la tête. Le vieux monsieur en est tout désolé. Il reste un petit moment encore, figé sur ses deux jambes qu'il n'a pas pu déplier complètement, la main sur sa bouche, à me regarder d'un air penaud.

Tout va bien lui répond mon sourire un peu crispé. C'est qu'il m'a fait sursauter le bougre !

Je somnolais tranquillement, les écouteurs bien vissés au fond des oreilles à me délecter des notes de mon Agnël chérie, quand mon voisin d'en face a estimé qu'il était l'heure de casser la croûte. C'est également ce moment-là qu'a choisi le train pour plonger dans une courbe un peu serrée. Sur le coup, j'ai cru qu'il venait de dérailler. Le choc de la sacoche sur la tablette en plastique a été d'une rare violence. La moitié de la voiture a fait un bond sur son siège !

Le vieil homme s'est rassis et entame à présent les premières bouchées de son jambon-beurre, en me jetant de temps en temps quelques regards emplis de cet air un peu trop navré qui ne le quitte plus depuis cinq minutes.

Le train a ralenti. Dehors, la nuit est tombée mais aux lueurs des lampadaires, je dirais que nous sommes arrêtés aux abords d'une gare, une petite gare de campagne. Quelques instants plus tard, un signal sonore perce le silence qui était retombé dans le wagon, puis une voix très lointaine nous informe de la situation. Du moins, c'est ce que j'en déduis car la voix est si inaudible, comme si elle provenait d'ailleurs, de l'autre côté des frontières ; je ne comprends absolument rien de ce qu'elle raconte. C'est comme si un tout petit monsieur, avec une toute petite bouche, se mettait à parler une toute petite langue dans un tout petit micro.

Ça existe les toutes petites langues ? Et les très grandes, les langues géantes ? Faut-il avoir des toutes petites oreilles pour entendre les tout petits riens des toutes petites voix ? Et des oreilles énormes pour gober les énormités qui fusent des énormes bouches ?

Pendant que je tente de me répondre, je laisse mon regard glisser sur la fenêtre et se poser doucement sur le reflet des mâchoires du vieux monsieur qui termine son sandwich.

Et de cette bouche, que peut-il en sortir ? Pour l'instant je n'ai vu que des choses y entrer. Voilà bientôt deux heures que nous roulons dans la nuit face à face et nous n'avons quasiment pas échangé le moindre mot. Quelle voix se cache derrière cette mandibule âgée mais encore vigoureuse ?

Une secousse me tire de mes réflexions glacées et me ramène dans le compartiment qui ronronne comme un vieux chat repu. Je frémis en m'apercevant que l'homme m'observe en train de scruter sa mâchoire. J'entends son sourire me dire en me poussant du coude avec espièglerie : "Allons, qui n'a jamais joué à ce jeu-là ? Dévisager un passager dans son sommeil ou le reflet de la vitre ou même du coin de l'oeil."

Le train est reparti de plus belle. L'arrêt n'était pas prévu, un léger incident sur la voie, un obstacle à dégager. Nous arriverons à Paris avec vingt minutes de retard. C'est ce qu'a annoncé la toute petite voix dans le tout petit micro. Encore une fois je n'avais rien saisi, mais mon gentil voisin m'a fait la traduction. Il en a profité pour glisser deux ou trois traits d'esprit, quelques calembours et autres jeux de mots. Sur le dernier, il m'a fait un clin d'oeil complice, comme si nous étions les deux seuls de tout le wagon à pouvoir nous comprendre, peut-être même à pouvoir nous entendre.

Mon sourire se décrispe davantage et j'écoute ses blagues et ses anecdotes cocasses qui maintenant se succèdent au rythme des battements de coeur du train. Je dois reconnaitre qu'il a un certain talent de narration. Bientôt c'est tout sa rangée puis la mienne qui tournent la tête et tendent l'oreille pour suivre ses histoires. Sous nos sièges, le train acélère encore, comme s'il cherchait à remonter le temps et rattraper nos vingt minutes de retard.

Parmi tous ces gens qui sourient autour de moi, parmi toutes ces bouches ouvertes en demi-lune, qui partagent cette parenthèse éphémère de bonheur tout simple, parmi eux, qui s'est réjoui du résultat des dernières élections américaines ? Oui je sais, il faut toujours que je vienne gâcher la fête. Mais j'aimerais savoir.

Qui, parmi tous ces visages sympathiques ici ce soir, dans ce bolide lancé à toute allure fonçant droit sur Paris, qui ne s'offusquerait pas de l'érection d'un mur obscène, ce mur de la honte, parfaite illustration du cataclysme qui gronde au loin, de cette amnésie collective qui nous menace, pur déni de l'Histoire et de l'humanité ? Qui ?

Sur les sept sourires qui brillent autour de moi, combien sont favorables au retour de la peine de mort, à l'interdiction d'être parent à une certaine catégorie de gens qui s'aiment, pourtant du même amour que tous les autres ; combien sont farouchement opposés au droit de pouvoir choisir de ce que l'on veut faire de son clitoris et de son utérus, au droit d'oublier la pilule, au droit de ne pas vouloir être mère sans pour autant remettre en question sa condition de femme, cet autre citoyen de la planète, cette autre partie de l'humanité ?

Qui donnera sa toute petite voix pour elle, cette bouche énorme et répugnante dans moins de six mois ?

Soudain, je sursaute. Une nouvelle fois. Du fond du compartiment, j'aperçois le visage d'Agnël. Oui, je la reconnais, c'est bien elle, c'est Agnël ! Elle remonte l'allée dans ma direction. Dans cinq rangées, elle va frôler mon épaule. Ça alors, Agnël est dans le même TGV que moi ! Plus que quatre rangées. Comme elle est belle ! Aussi belle que sa musique. Trois. J'entends au loin les notes qui s'échappent de son piano et courent vers moi. Deux. Elle est là, c'est bien elle, dans le même train que moi ! Je devrais arrêter de la fixer, tourner la tête, faire comme si je n'avais pas remarqué qu'elle s'approche de moi et s'apprête à m'effleurer du bout de ses doigts fins de virtuose. Agnël !

Ça y est, elle est passée. Je n'ai rien senti. A peine si ma frange a frémi au vent de ses pas. Sa main ne m'a pas touchée. Je crois que j'ai fermé les yeux. Ai-je rêvé ?

De l'autre côté de l'allée, un petit bichon frisé lèche les doigts de son maître absorbé par les récits envolés de mon vieux monsieur de voisin. Je croise le regard de ce dernier et y devine un soupçon de fierté accompagné d'une pointe de malice. Il tient son auditoire en haleine, fait durer le suspense un court instant, le temps pour moi de laisser s'évaporer mon idole angélique et raccrocher les wagons en me rebranchant sur son canal.

Une secousse. Encore une. Je sursaute. Pour la dernière fois probablement.

Puis tout est noir. Tout tourne. Même moi je crois. Est-ce un rêve ? Quelque chose me cogne la tête. La sacoche du vieil homme ? Aïe, ça fait mal ! Ça tourne encore, encore plus vite.

Où suis-je ? Est-ce un rêve ? Je n'entends plus les blagues de mon voisin, ni les rires des autres passagers. Autour de moi, ce n'est plus qu'un fracas assourdissant, une explosion de verre et de ferraille. Des masses de toutes sortes, de toutes formes et de toutes matières me heurtent chaque seconde. Je voudrais crier mais n'y parviens pas. Je voudrais appeler le vieux monsieur, lui demander qu'il me traduise ce que la toute petite voix du tout petit micro a dû dire pour expliquer ce qui est en train de se passer. Moi je ne la comprends jamais, mais lui sait décrypter ses messages codés, il doit avoir des oreilles ajustables, capables de s'adapter aux différentes tailles de bouches, des plus minuscules aux plus gigantesques. Où est-il mon vieux monsieur ? Je n'y vois plus rien, je n'entends plus rien. Où est le petit chien, où sont les doigts de son maître ? Et Agnël ? Où est-elle ? Est-ce son corps que j'ai senti me rouler dessus quelques instants avant qu'il ne disparaisse une nouvelle fois dans le ventre du bolide qui a perdu la boule ?

Que se passe-t-il ? Où suis-je ? J'ai l'impression de voler dans une cage trop étroite.

Le manège s'arrête brusquement. Un flash, comme un éclair dans la nuit noire, fait irruption dans le wagon, du moins ce qu'il en reste.  En une fraction de seconde, j'aperçois des manteaux, des sacs, des câbles et des corps pendre un peu partout autour de moi. Certains remuent, d'autres pas. A la fois lourde et légère, je pends moi aussi, immobile au-dessus de rien. Quelque chose de chaud, ou froid je ne sais pas trop coule le long de mon visage.

Le silence a envahi l'espace. Je ne sais pas si j'ai mal ou si je flotte. J'ai envie d'exploser de rire ou bien peut-être de pleurer.

Qu'est-ce que je fais là ? On doit m'attendre à Paris. Où est mon téléphone, que je prévienne que je ne serai pas à l'heure ? Mais quelle heure ? Depuis combien de temps suis-je suspendue la tête en bas ? Où est le vieux monsieur qui a peut-être voté Trump il y a un mois ? Où est le petit bichon dont les doigts du maître pourraient bien rallumer la flamme au printemps prochain ? Où est mon idole intouchable, montée trop vite s'assoir trop près des étoiles et qui a déjà oublié comment on fait pour regarder en bas ?

Ou pas. Peut-être est-elle seulement un esprit libre, tellement libre qu'elle traverse les autres corps sans les voir, sans même se rendre compte qu'ils existent. Peut-être aurais-je dû continuer de la fixer quand elle s'avançait vers moi, plonger mes yeux dans les siens pour les accrocher comme un hameçon, pour lui faire signe que je suis là, que je la trouve belle, magique et que je l'aime et lui sourire tout simplement pour qu'elle voie que j'existe.

Cela n'a plus d'importance maintenant, de là où je suis je peux voir le monde à l'envers. Sauf que je crois que j'ai les yeux fermés. Ou alors je suis morte. Ce serait donc comme ça que je finirais, suspendue la tête en bas après un tour de montagnes russes, sans avoir dit au-revoir à personne, pas même à moi...

Soudain, une petite voix s'élève dans la nuit. Cette fois-ci je l'entends, elle ne vient pas du micro.

"Quelqu'un aurait-il trouvé ma sacoche en cuir ? Elle m'échappe tout le temps, j'espère qu'elle n'a blessé personne."

 

La voisine, 21-25/11/2016.

 


16/12/2016
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9/11...

J'ai 34 ans et moi aussi je rêve.

Ce doit être une mauvaise blague.

Nous sommes le mercredi 9 novembre, je me lève tout juste et j'ai bien peur malheureusement que ce ne soit pas une blague.

C'est une catastrophe, un cataclysme. Il me faut un cataplasme, j'ai le souffle coupé et la moutarde me monte au nez !

 

Il y a 4 jours encore, je pleurais au fond de ma baignoire en me demandant qui j'étais. Qui je voulais porter dans mon ventre : un livre ou un enfant ? Continuer d'arrêter ou bien commencer à reprendre ?

Il y a 4 jours encore, je pleurais en me regardant dans le miroir parce que je ne me reconnaissais plus. C'est quoi ces joues trop rondes et ce profil épaissi ?

A vrai dire, je m'y attendais.

Les voici, les voilà, les 1ers dégâts de 36 jours sans tabac ! 36 jours c'est énorme, n'est-ce pas ? Comme mon ventre et comme mes hanches.

Je n'ai jamais tenu aussi longtemps. Ce sont les 36 premiers jours sans fumer de toute ma vie. On dirait bien que ce sont eux qui sont venus se loger au creux de mes joues, de ma taille et de mes fesses.

 

J'ai 34 ans, bien tassés.

Les 35 sont déjà là, en embuscade au coin de la rue. Ils n'hésiteront pas à faire usage de leur bombe de peinture pour faire pâlir mes cheveux.

Il y  a 4 jours encore, je pleurais  en essayant de me reconnaitre dans le reflet de ma page blanche.

36 jours sans tabac. 36 jours sans écrire.

Les personnages de mon roman dépriment au fond du tiroir de mon bureau. Ça me fait de la peine de les entendre éternuer à cause de la poussière qui les recouvre.

 

Je n'aurais jamais dû arrêter.

Je n'aurais jamais dû commencer.

Et pourtant je le savais.

Maintenant, je ressemble à un gros sac de 34 années entassées. Mon baluchon percé s'est vidé, je n'ai plus d'idées. J'ai jeté mon cendrier et l'inspiration avec.

Il y a 4 jours encore, je souffrais de l'air libre qui courait dans mes poumons et de mes ailes plaquées au sol dans une nappe de goudron.

 

Je me trompais.

Nous sommes le mercredi 9 novembre et je pince mes joues trop rondes pour sortir du brouillard, m'éveiller de ce cauchemar.

 

Le problème n'est pas d'avoir commencé, arrêté, repris ou continué.

Non, le problème c'est d'avoir tout bêtement oublié mon rêve en chemin, comme un chien sur une aire d’autoroute. Tout ce temps où j'ai marché à côté de lui, fidèle compagnon, sans un regard, sans prêter attention à son refrain lointain et lancinant, pareil à la chanson des vagues.

Non, personne ne m'a volé mes ailes. Personne ne m'a coupé le souffle.

 

Ce matin en écoutant les informations devant mon café brûlant, ça me saute au visage comme une bombe en plein métro. On vient de m'annoncer une terrible nouvelle, une catastrophe, un cataclysme.

Il me faut un cataplasme, je crois que je suis malade. Comme s'il ne me restait plus que 6 mois à vivre. 6 mois à vivre libre.

Mon nez me pique, mes yeux s'enrhument. Alors ma plume revient me chatouiller la nuque et me dessine un livre.

Un frisson me traverse. Je le reconnais. C'est mon rêve !

Accroché dans mon dos comme un poisson d'avril, comme une bonne vieille farce, caché dans l'ombre, dans l'angle mort, ce matin, le voilà qui se réveille et mord à l'hameçon.

Alors là-haut dans mon âme, ça remue de nouveau, ça fait des bonds, ça fait des ronds et puis des vagues.

Ça fait bouger mes hanches, mes fesses et puis mes joues. Elles sont rondes et alors ? Elles sont à moi et je les aime comme ça !

Mes cheveux peuvent bien s’éclaircir à mesure que je noircis ma page. Les mots reviennent emplir mon baluchon et la nicotine fait ses valises pour de bon.

 

Il y a 4 jours encore, je pleurais parce que je m'étais trompée.

Nous sommes le mercredi 9 novembre et je serre mon rêve dans les bras en lui promettant de ne plus jamais l'abandonner.

Peu importe ce que je porterai dans mon ventre, je jure de toujours le regarder droit dans les yeux et d'écouter la musique qu'il me souffle au creux de l'oreille. 

 

J'ai 34 ans, bientôt 35.

Il y a 4 jours, quelque part dans ce monde étrange, tu as eu 36 ans, en rêvant d'Amour, d'eau fraiche et de l'être "ange".

Demain un président, du haut de sa Tour Eiffène, voudra bâtir un mur de haine pour que l'on ait soudain peur de son voisin, là-bas de l'autre côté.

J'ai 34 ans et moi aussi, j'ai les bras lourds.

Puis je vois le visage de mon rêve, j'entends son souffle glisser sur moi et me murmurer : « Peu importe ton reflet dans le miroir, le monde n’est qu’une Illusion. Saute dans le dessin tant qu’il est temps ! »

Alors je me ressaisis. Et je m’élance dans le vide.

Parce que je l'ai promis.

 

La voisine, 09/11/2016-06/12/2016.


06/12/2016
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Je suis née...

Je suis née

Sur un banc d'école,

Dans une bulle de chewing-gum,

Dans une cabane perchée en haut des arbres,

Dans le regard figé d'une poupée de porcelaine.

 

Je suis née

Par la fenêtre d'un train parcourant la campagne,

Sur le sable livide d'une plage déserte,

Au milieu de la foule d'une aérogare,

Blottie contre l'écorce d'un chêne centenaire.

 

Je suis née

Sur le coin d'une table de bistrot,

Sur un bout de nappe chiffonné l'instant d'après,

Au verso du dernier ticket de caisse

Ou de l'enveloppe d'une déclaration d'impôts.

 

Je suis née pour quelques minutes, quelques heures ou un peu plus.

Parfois j'ai vieilli avant d'avoir existé.

D'autres fois je suis restée jeune toute ma vie sans que quiconque ne parvienne à me dompter.

 

La voisine, le 12/10/2016.


19/10/2016
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" Irremplaçables intermédiaires "

Aujourd'hui, je ne fais que reprendre les mots d'un Monsieur que j'admire beaucoup tant ses oeuvres, qui m'accompagnent depuis quelques mois, me bouleversent... Non, ce n'est pas parce que c'est le tonton de qui vous savez (ça c'est la cerise sur le gâteau ! ).

Simplement parce que je trouve ses mots tellement justes, vrais et beaux...

Merci Amin Maalouf !

 

 

Extrait de Le Dérèglement du monde, Amin Maalouf, Ed. Grasset & Fasquelle, 2009

 

 

 

 

" C'est un tout autre discours que l'immigré a besoin d'entendre en ce nouveau siècle. Il a besoin qu'on lui dise, par les mots, par les attitudes, par les décisions politiques : « Vous pourrez devenir l'un des nôtres, pleinement, sans cesser d'être vous-même. » Ce qui signifie par exemple : « Vous avez le droit et le devoir d'étudier notre langue, en profondeur. Mais vous avez aussi le droit et le devoir de ne pas oublier votre langue d'origine, parce que nous, qui sommes votre nation d'adoption, nous avons besoin d'avoir parmi nous des personnes qui partagent nos valeurs, qui comprennent nos préoccupations, et qui parlent parfaitement le turc, le vietnamien, le russe, l'arabe, l'arménien, le swahili ou l'ourdou, toutes les langues d'Europe, d'Asie et d'Afrique, toutes sans exception, afin que nous puissions nous faire entendre de tous les peuples de la planète. Entre eux et nous, vous serez, dans tous les domaines — la culture, la politique, le commerce —, les irremplaçables intermédiaires. » "

 

 

 

Sur ces belles paroles, je me tourne vers un quartier de Bordeaux où j'ai passé assez de temps pour que les lignes que je viens de citer résonnent encore plus fort.

Il parait qu'il s'y prépare une bien belle aventure dans les jours qui viennent. On parle de nomades, de voyageurs, de métissage, de rencontres, de solidarité ... entre autre...

 

 

Au plaisir de s'y croiser !

 

 

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12/09/2016
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Canicule

Compter les jours, compter les heures, compter les battements du coeur.

Se raccrocher à la mesure, au tempo de la vie pour oublier que le temps passe trop lentement.

 

Regarder le soleil brûler le bleu du ciel, regarder l'eau s'évaporer du verre, regarder la fumée de ma cigarette s'échapper par la fenêtre.

Se réfugier derrière les volets fermés jusqu'au retour de la lune pour oublier que le temps se gaspille sans toi.

 

Laisser pleurer mes yeux tout secs, laisser mon corps se mettre en boule, laisser mon âme errer au plafond.

Se suspendre aux ailes de l'ange qui passe, à son souffle sur mon front qui m'emporte loin d'ici, à sa voix douce qui apaise mes nuits et me fait oublier le temps d'un sourire les fantômes de mes jours.

 

La voisine, le 27/08/2016.


27/08/2016
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"Croire en l'homme me suffit"... (Stéphane Hessel)

Que se passe-t-il ? Comment en est-on arrivé là ?

Toujours ces mêmes questions qui me reviennent sans cesse à chaque fois que j'ai le malheur d'allumer la radio pour écouter les informations de minuit.

Où va le monde ? Je ne crois pas ce que j'entends.

Hier New York, Kaboul, Sousse, Paris, Bruxelles, Orlando, Istanbul...

Aujourd'hui Nice.

Je ne peux m'empêcher de penser à demain.

 

Toutes ces villes où j'ai laissé des souvenirs, où j'aurais pu m'en faire. Mes empreintes sur les pavés, des photos par centaines, des ampoules aux pieds, des nuits torrides hors du temps et de la réalité. Et la promesse, toujours la même, d'y revenir bientôt, d'y aller un jour.

Tous ces visages, toutes ces vies que je ne connaissais pas. Que j'aurais pu croiser, comme ça, au hasard d'une rue, sur le banc d'un parc ou d'un arrêt de bus, à la terrasse d'un café, dans une salle de concert. Toutes ces vies qui ont peut-être croisé la mienne sans que je le sache, sans que j'aie le temps de leur dire bonjour, merci, au-revoir.

Tous ces enfants qui ne naitront pas, qui ne connaitront pas le bonheur de fouler cette bonne vieille terre que l'on piétine impunément. Tous ces parents qui ne le seront jamais, partis trop tôt, trop vite, comme un feu d'artifice raté dans l'innocence de leur jeunesse. Ils ne sauront pas ce que c'est que de se réveiller en pleine nuit pour ramasser le doudou tombé parterre ; de sentir leur gorge se serrer en regardant leur petit bout leur lâcher la main et s'avancer pour la première fois vers le portail de l'école ; de l'attendre quelques années plus tard sur le canapé jusqu'à 4h du matin et percevoir dans son regard une étincelle nouvelle, pudique, qui l'a fait grandir d'un coup.

Toutes ces belles histoires qui ne s'écriront pas, toutes ces aventures, tous ces projets avortés, étouffés dans l'oeuf.

 

Que se passe-t-il ? Comment en est-on arrivé là ?

Toujours les mêmes questions qui viennent titiller ces deux sentiments que je ne parviens pas à chasser.

Hier l'Afghanistan, l'Amérique, le Liban, la Côte d'Ivoire, l'Irak, la Syrie... à travers mon écran de télévision.

Aujourd'hui l'Europe, aujourd'hui mon pays.

Aujourd'hui j'ai peur et j'ai honte parce que la télé ne me protège plus, parce que ça se passe en bas de chez moi et plus de l'autre côté de la mer. Parce que ce sont mes plages, mes rues qui saignent. Parce que la flaque se répand jusque devant ma porte. Parce que tout d'un coup ça me réveille la nuit et ça m'empêche de dormir.

J'ai honte et j'ai peur que la bombe se rapproche de moi, qu'elle m'arrache un bras, une jambe, la bouche, le coeur. Qu'elle me prenne un membre de ma famille, un ami, mon amour. Qu'elle me prive d'un oeil, d'une oreille, d'une main. Qu'elle m'enlève tous mes livres, qu'elle brûle toutes mes pages, qu'elle me vole ma trompette. Qu'elle efface l'enfant que je dessine en secret et toutes les histoires que je voudrais lui raconter, qu'elle l'empêche de porter le nom que je ne lui ai pas encore donné.

J'ai honte et j'ai peur que le monde se crispe, se fige, se concentre en deux pôles qui se repoussent comme des aimants. Que toutes les plages, que toutes les rues se vident, que les portes encore ouvertes se referment et se cadenassent à double tour. Que l'on ait peur de son voisin parce qu'il porte une barbe, de sa voisine parce qu'elle cache ses cheveux, de lui qui aime les hommes, d'elle qui ne croit pas en dieu, de ces roulottes qui dansent autour du feu. Qu'il n'y ait plus d'espace libre, plus de banc sur lequel s'assoir en attendant de rencontrer quelqu'un pour lui raconter son histoire, son présent, ses rêves et ses illusions. Pour transmettre un bout de soi, un instant, un détail, un petit rien qui s'enrichit à chaque banc qu'il trouve.

 

Que se passe-t-il ? Comment en est-on arrivé là ?

Toujours ces mêmes questions qui me hantent.

 

Pourtant ce soir, je veux encore y croire. Je veux encore me dire que la vie est belle.

Sur la terrasse du café où je bois mon verre de vin, dans le tramway que je viens de prendre, dans le baiser fougueux que deux passagers ont échangé juste avant que j'en sorte. Dans la poussette qui frôle ma table, dans le regard insouciant de ces enfants qui font de la trottinette sur les quais, dans le courant de la Garonne qui continue de descendre inlassablement vers l'océan. Dans ce flot de sourires et de vie qui ne s'éteindront pas.

Oui, je veux encore y croire, ce soir, demain et le jour d'après.

Je veux croire dans mon espèce si complexe mais ô combien essentielle, dans sa force, dans sa richesse, dans son amour.

Parce qu'elle écrit des pages que nulle autre espèce ne serait capable d'écrire.

Parce que lorsqu'elle se met à chanter, à crier, à hurler dans son cornet magique, l'univers tout entier s'arrête et se retourne pour l'admirer.

Parce qu'alors elle me donne envie de grimper au sommet de la dune, de prendre mon élan et de sauter en ouvrant grand mes ailes vers l'avenir.

Parce qu'elle sait donner tant d'amour et le partager si fort quand elle veut qu'elle a le pouvoir de réduire en poussière toutes les bombes du monde...

 

La voisine, le 23/07/2016.


24/07/2016
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Une nouvelle copine

Aujourd'hui, grâce à mon chien, je me suis fait une nouvelle copine. Ginette, la quatre-vingtaine bien tassée.

Il ne le sait pas ça, Médor, mais moi je le dis : le chien, quel super vecteur de lien social !

 

Comme chaque matin, on se promenait tous les deux autour du pâté de maisons. Je m'apprêtais à pousser la porte du salon de coiffure pour prendre un rendez-vous, quand elle est arrivée droit sur nous. Comme mon chien est beau ! Qu'il est mignon ! Quel âge a-t-il ? Ah oui ? Il ne les fait pas. La sienne est décédée il y a huit ans, deux semaines après la mort de Fernand. La pauvre chienne n'a pas supporté. Ginette, elle, est restée.

Et ce matin, devant chez le coiffeur, elle m'a parlé de plus vieux qu'elle. Plus vieux et plus misérables. Moi qui la plaignais quand je la croisais quelquefois, clopinant, frêle petit oiseau des matins brumeux, entre la Poste et la boulangerie. Je me suis encore faite avoir par les apparences. Elle est pas si mal en point que ça la mamie et elle a toute sa tête, ou presque. En tout cas, elle n'a pas la langue dans la poche de son petit manteau élimé. Ça non, elle en a des choses à dire Ginette !

Non, elle ne me retarde pas, même si Médor n'est pas tout à fait d'accord avec moi. Il tire sur sa laisse en pointant la truffe vers la suite de la balade.

Comment est fait le monde ? Elle ne le comprend pas Ginette. Elle ne le comprend plus. Elle ne supporte pas de voir des petits vieux tendre la main devant la boulangerie. Rien que d'y penser, ça lui donne le frisson. Alors, elle va leur acheter un pain aux raisins, ou un steak haché, si le mendiant change de crèmerie.

Comment est fait le monde ? Elle ne le comprend pas. Maintenant c'est marche ou crève. Tant pis pour ceux qui ne mangent pas à leur faim. Elle ne supporte pas les commentaires des gens sur les pauvres. Elle ferait mieux de s'occuper de ses fesses et de sa maigre retraite de cheminote, qu'on lui dit. Alors elle les insulte dans sa barbe et les menace de son petit poing serré et tremblant. Les chiens sont plus humains que les hommes...

Malgré l'insistance de Médor à abréger la conversation, je n'ai pas su lui dire non quand elle m'a proposé de visiter son appartement. Je n'ai pas su refuser la porte ouverte de cette mémé renfrognée mais rigolote qui me rappelle un peu Lulu quand elle bougonne du haut de son balcon.

C'est que son appartement n'est pas comme tous les autres de la résidence. C'est l'appartement témoin, que ses "pestes de voisines" lui envient. Parce qu'il est mieux fichu et plus grand. Il a la baignoire quand les autres ont la douche et une cuisine spacieuse et un vaste séjour. Elles lui en veulent ses voisines, elles la jalousent, c'est normal. Pourquoi c'est Ginette qui a droit à l'appartement témoin ? C'est injuste. Mais Ginette, est-ce que c'est sa faute à elle ? Les autres n'ont qu'à se plaindre à Gironde Habitat et lui foutre la paix !

C'est vrai qu'il est grand cet appartement, Médor peut en attester. Bien sûr qu'il a pu entrer, et puis quoi plus encore ? Il est bien brave lui aussi.

Alors Médor et moi on a visité l'appartement témoin...témoin de la solitude, de la vieillesse, du temps qui passe. Je ne me suis peut-être pas trompée sur un point : Ginette est seule, ce grand deux pièces le lui crie au visage. Même Médor ne sait plus où se mettre, je sens bien que cet endroit le met mal à l'aise.

Pourquoi associe-t-on si souvent vieillesse et solitude ? Ma mamie à moi, elle n'est pas seule, bien au contraire et sa maison qui est dix fois plus grande ressemble à un moulin dont les pales ne s'arrêtent jamais de tourner.

Est-ce à cause de toutes ces "pestes", de tous ces "cons" à qui elle rend service sur ses petites jambes usées et qui ne le lui rendent jamais ? Comme cette sorcière du rez-de-chaussée, juste en dessous. Elle se mêle un peu trop de ce qui ne la regarde pas celle-là. N'empêche qu'il paraît qu'elle fait des trucs bizarres avec les esprits et les cartes à la nuit tombée... Ça n'empêche pas Ginette de lui ramener une baguette quand elle part à la boulangerie.

Elle est bien bête, elle le sait. Sa soeur n'est pas comme ça. Fernand le disait, elle ne se ressemblent en rien. Elle a essayé une fois pour voir si sa soeur accepterait de lui prêter 10€. La pauvre femme, ce jour-là, n'avait pas de monnaie sur elle.

Elle est bien bête Ginette, elle le sait. Mais c'est comme ça, elle n'y peut rien.

Comment est fait le monde ? Elle ne le comprend plus. Elle n'a pas été élevée comme ça. Quand elle était petite, sa mère lui interdisait de manger ses carrés de chocolat devant les enfants qui n'en avaient pas. Elle devait croquer dans son quignon de pain sec, si sa mère n'offrait pas du chocolat à tous ses petits copains.

Pendant qu'elle me raconte la troisième version de son histoire, j'essaie d'imaginer le visage de Ginette quand elle était jeune. Je n'y parviens pas. Je cherche dans la faible lueur qui brille encore un peu dans ses yeux, mais l'heure tourne et Médor s'impatiente. Je réunis alors toutes mes forces et mon courage pour trouver le moyen de prendre congé de Ginette qui dit au revoir à l'infirmière passée lui porter ses médicaments. Elle m'a présentée comme une amie et a mis en garde l'infirmière : Médor peut mordre, Médor monte la garde ici désormais !

Comment refermer la porte de cette petite mamie qui me l'a ouverte ce matin, comme ça, pour parler un peu entre copines, pour être moins seule quelques heures ?

Je me lève malgré tout. En me dirigeant vers la sortie, je l'écoute me raconter sur quels boutons elle appuiera quand je sonnerai depuis en-bas, la prochaine fois que je viendrai. Parce que je reviendrai, pas vrai ? Et Médor aussi. Elle me donnera des oeufs de la ferme de son neveu. Elle me les donnera à moi et pas à tous ces ingrats qui ne savent pas dire merci.

Je descends les escaliers, un petit sourire triste au coin des lèvres. Retournerai-je voir Ginette un de ces jours ? Se souviendra-t-elle de moi ? Aurai-je l'envie et la force d'écouter les mêmes histoires dans cet appartement gris ? Je n'en sais rien.

 

En attendant, c'est la seule qui ne compare pas mon chien à un vieillard, qui le trouve même en forme. Alors, rien que pour ça, Ginette c'est ma copine !

 

La voisine, 24-26/05/2016.


26/05/2016
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Pensée du mois de mai...

Ce soir, notre pensionnaire s'en va.

Il vient de déposer les clés sur la table devant moi.

Il a fini sa bière et la dernière cacahuète.

Il a trinqué avec nous et puis il est parti en nous disant "A tout de suite et à tout jamais".

Il a pris ses valises et a refermé la porte.

Combien de temps est-il resté ?

Peu importe, ce soir notre pensionnaire s'en va.

Ce n'est pas si difficile que ça finalement, d'ouvrir une porte.

Ça coûte quoi ? Pas grand chose sinon rien.

Ça  fait une lumière de plus qui brille le soir et parfois même une voix supplémentaire à table.

Ça donne des apéros surprises et des discussions interminables au café du matin dans le jardin.

Ça bouleverse un peu la solitude, amie tenace, ça la perturbe, ça la houspille.

Ça fait du bien !

Ce n'est pas si difficile que ça finalement, d'ouvrir une porte.

Ce soir, notre pensionnaire s'en va.

Les clés me regardent en coin sur la table devant moi.

La chambre d'ami va redevenir mon bureau.

Je vais pouvoir y revenir travailler, y revenir écrire.

Je vais pouvoir quitter le canapé de la salle à manger et reprendre place dans mon fauteuil d'orchestre.

Dans mon chez moi, dans cet espace, cette crotte de mouche ridicule dans l'univers où je me suis proclamée reine.

Je vais regagner mon territoire...

Sauf que ce soir, notre pensionnaire s'en va.

Ce n'est pas si difficile que ça finalement, d'ouvrir une porte, même celle de son chez soi, de son petit territoire de rien du tout.

Peut-on accueillir celui qui n'a pas d'autre choix que de nous le demander ?

Quelle question absurde !

La porte que l'on ferme sera toujours plus lourde que celle que l'on ouvre...

 

La voisine, le 03/05/2016.


16/05/2016
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Du tuk-tuk en tôle au quart de ton en cuivre

Chers amis lecteurs, bonjour !

 

Un peu plus de deux mois se sont écoulés mais il manquait encore une conclusion à ce beau voyage à l'autre bout du monde.

Malheureusement, ma plume capricieuse ne semblait pas décidée à vouloir en dire plus à ce sujet.

Il m'a donc fallu repartir, non pas à l'autre bout du monde mais un peu partout dans notre cher petit hexagone pour lui redonner un peu d'élan.

Etrangement, c'est sous la pluie, au bord d'une flaque que je l'ai retrouvée...elle n'était pas toute seule...

 

IMG_9655.JPGMardi 10 mai 2016.

Du tuk-tuk en tôle au quart de ton en cuivre.

 

Je suis assise à la terrasse du Café Riche...et je regarde la pluie continuer de tomber, encore et encore sur toutes les rues de Montpellier.

Qu'est-ce que c'est que ce temps ? Je suis dans le midi tout de même !

La terrasse inondée de ma petite chambre ne m'a pas aidée à écrire hier soir. Alors aujourd'hui j'ai décidé de sortir, coûte que coûte, malgré la pluie, d'aller la chercher cette inspiration, ce souffle qui ne vient pas, cette plume qui s'envole à chaque fois que je tente de l'approcher, cette dernière page, cette conclusion au voyage d'il y a maintenant un peu plus de deux mois.

Je suis montée dans un tramway qui ne ressemble pas à celui que je connais. Je suis descendue sur la place la plus célèbre de la ville, mais pas pour moi et j'ai commencé à arpenter les rues en quête de ma précieuse amie.

Etrange comme l'on peut se sentir tout d'un coup dépaysé à quelques centaines de kilomètres de chez soi lorsque c'est la première fois que l'on y pose le pied. Les odeurs, les bruits, les visages ne me rappellent rien ou si peu. Quel est le meilleur endroit pour boire un verre ? Où sont les bons spots et les pièges à touristes ? J'ai soudain le sentiment d'être bien seule, comme étrangère et même un peu vulnérable. Je marche en surveillant du coin de l'oeil ce qui se passe autour de moi. La pluie m'empêche de lever les yeux et d'observer la vie qui bat sous les toits.

IMG_9668.JPG

Heureusement, ma petite trompette est là, comme toujours. Elle me souffle à l'oreille que tout va bien, que je peux y aller, que je n'ai rien à craindre puisqu'elle est là.

Alors je la suis, aveuglément, comme toujours. Mon pas devient plus sûr au fur et à mesure que je me perds dans les ruelles et toutes ces perspectives qui ne me parlent pas. Malgré mes petits pieds trempés et fatigués, je sautille entre les gouttes et les flaques. Fièrement collée aux basques de ma trompette endiablée, je salue la plume qui nous a rejoints et la regarde tournoyer au-dessus de nous.

L'équipe enfin réunie, je m'assois à la terrasse du café et ouvre mon cahier.

Un peu plus de deux mois se sont écoulés depuis les plages de Kho Chang, les massages de Chiang Mai, les tuk-tuk de Bangkok et les voyages en autocar. Mais à la maison, on continue de manger thaï aussi souvent qu'on le peut !

Et puis la vie, naturellement, a repris son cours. Avec son lot d'arrivées et de départs, comme sur le quai d'une gare ou d'un aéroport.

Un tout premier client, un tout premier devis, une toute première facture.

Une branche de lilas qui traverse le grillage du jardin, un brin de muguet qui pointe son nez sous ma fenêtre.

Un pensionnaire qui pose ses valises, un Prince qui tire sa révérence.

Un saut de puce à Paris, le temps de traverser un pont, d'apercevoir la Tour Eiffel et de trinquer entre amis.

Un week-end en famille, parenthèse tant attendue et ô combien précieuse, bain d'amour, de douceur, de chaleur et de vie !

Une chasse au trésor, un cadeau de Noël en plein mois de mars, un pique-nique les yeux dans la Garonne, une barbe à papa au pied des manèges vertigineux...

Et une trompette. Un souffle. Une lumière.

Que je touche presque du bout du doigt et qui se met à résonner, à vibrer, à crier dans tout mon petit moi. Il n'y a plus de secret, elle peut désormais se libérer de sa cage et chanter à tue-tête dans mes oreilles, inonder ma maison comme un rayon de soleil au matin, déborder de toutes les fenêtres de ma voiture.

Elle est en moi et tout autour. Elle m'accompagne partout. Et je ne suis plus jamais seule.

Même ce dimanche après-midi où j'ai quitté ma parenthèse de coton et gorgée de soleil, où j'ai roulé jusqu'à cette petite chambre un peu sombre et cette ville pluvieuse malgré elle.

Même ces trois jours loin de chez moi où je ne connais personne, ces trois jours que je suis venue chercher pour continuer de grandir.

Même ce soir où je finis mon deuxième verre de vin en regardant les pavés luisants de la Place de la Comédie, certainement plus drôle lorsque l'on y voit le soleil se coucher par-dessus les toits...

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 La voisine, le 10/05/2016.


12/05/2016
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Le paradis ? Non, mais pas loin...

Chers amis lecteurs, bonjour !

 

Et bien nous y voilà, c'est déjà l'heure du dernier épisode des WiWiThaï...

Comme le temps passe vite, n'est-ce pas ?

Alors pour terminer le voyage, quoi de plus naturel que de retourner dans l'eau? De l'eau chaude, très chaude, pas très claire mais d'un bleu encore plus bleu que le bleu du ciel, des palmiers, des pêcheurs, des Australiens, des Italiens, des Russes Anglais et même des singes !

Et l'esprit nomade se laisse emporter sur sa barque de fortune, pour quelques temps encore...

 

Bonne lecture

et bon mois de mai !*

 

IMG_9096.JPGMercredi 24 février 2016.

Le paradis ? Non, mais pas loin...

 

L'eau est revenue. Depuis hier. De l'eau tout autour de moi.

Je n'ai pas encore trouvé le palmier penché sur la plage de sable blanc pour rouvrir les pages de M. Maalouf, mais je ne désespère pas et en attendant ce que je vois me va.

 

IMG_2948.jpgNous sommes sur l'île de Kho Chang depuis hier soir, à Bang Bao plus exactement.

Encore une fois, on l'aura mérité notre site idyllique ! Il aura fallu endurer 5 heures de Public Bus pour descendre jusqu'à Trat, sauter quasiment du bus en marche et choper au vol un gros tuk-tuk emportant dans sa bétaillère une bonne quinzaine d'animaux comme nous, en route vers une des plus célèbres îles de Thaïlande après Phuket et Kho Lanta. Encore groggy par la route en autocar toujours aussi peu confortable, nous revoilà donc entassés comme des grains de "sticky rice", filant cheveux au vent jusqu'à l'embarcadère.

Drôle de petit moment cette attente du ferry avec en ligne d'horizon les collines de Kho Chang.

Nous croisons là un jeune "Russe-anglais" (si quelqu'un sait où cela se trouve..?) ayant toujours vécu en Thaïlande. En compagnie de son ami thaï, il nous donne quelques conseils sur les différentes plages de l'île. Se greffe à la conversation un Espagnol rondouillard et mal rasé, banane au ventre, qui cherche un bon spot pas cher pour dormir une fois sur place, puis un couple d'Italiens vivant en France avec leurs deux petits bouts dont le plus jeune doit avoir à peine 6 mois. Autour de la table, les questions et les conseils vont bon train dans un joyeux mélange d'anglo-franco-italo-espagnol !

Le ferry vient d'accoster alors que le soleil s'empourpre avant de plonger de l'autre côté du monde.

IMG_9050.JPGUne grosse 1/2 heure de traversée nous attend, à peine le temps nécessaire pour satisfaire tous les adeptes du culte de soi. Assis à l'avant du bateau, nous assistons en direct à un festival du selfie, des bouches en cul de poule, des sourcils relevés et des cheveux au vent dignes de Titanic... Du coup, nous remarquons à peine que juste derrière eux, l'île s'est rapprochée jusqu'à ce que nous la touchions de la proue.

Kho Chang, Kho Chang, trois jours d'arrêt !

Nous n'avons pas posé le pied parterre que déjà les bétaillères à touristes blanches reprenaient leur parade. Alors, une nouvelle fois, nous finissons agglutinés comme des sardines, 18 si j'ai bien compté dont nos amis italiens. 300 bahts la livraison au Cliff Cottage de Bang Bao où, si tout va bien, une tente nous attend.

Et c'est reparti pour une heure environ de balade nocturne le long de la côte ouest de l'île ! Une balade sportive et parfumée au pot d'échappement où s'enchainent les montées et les descentes à pic, les virages en épingle, les villages illuminés par les restaurants et les bars branchés, les boutiques de souvenirs et de maillots de bain, le tout dans la disparition totale des caractères thaï au profit de l'écriture occidentale.

Sommes-nous toujours en Thaïlande ? Aux couleurs et aux odeurs qui se dégagent des traditionnelles baraques à brochettes enfumées, je dirais que oui...

A la fin, il ne reste plus que nous trois. Les villages et les gros complexes hôteliers se font plus rares et nous arrivons enfin vers 20h au bout d'un chemin à peine éclairé : Le Cliff Cottage.

IMG_2971.JPGNous sommes tout de suite frappés par la beauté et le calme qui se dégagent de cet endroit, une grande terrasse en bois sur pilotis. Juste à côté, on ne la voit pas mais on devine la mer à son doux clapotis sur les rochers. Quelques personnes sont allongées sur les magnifiques canapés en bois et en bambou ou dans les hamacs suspendus au bord de la terrasse. Le monsieur de l'accueil nous conduit jusqu'à notre tente.

C'est une tente.

Ronde, en toile blanche, tout en haut d'un escalier en pierre qui grimpe dans la forêt. Trois matelas posés au sol, deux ventilateurs.

C'est une tente. Notre chambre, notre nouvelle maison. C'est parfait !

IMG_9077.JPGLe rêve se poursuit pendant le diner sur la terrasse qui domine la mer que nous ne voyons toujours pas mais que l'on sent nous frôler les oreilles et nous murmurer : "Bienvenue à Bang Bao ! Je vous attendais."

Les plats sont copieux et un peu plus chers qu'ailleurs, mais toujours aussi délicieux. On est si bien que l'on n'a pas envie de monter se coucher tout de suite, malgré la fatigue des transports qui s'accumule.

Chacun sur son canapé, nous profitons tous trois à notre façon de cette petite parenthèse, ce moment de paix magique, bercés par le chant des vagues qui lèchent les rochers dans le noir.

Reprenons une bière et savourons l'instant. Enivrons-nous de ce cadeau bien mérité. Il ne reste plus que nous. La terrasse, la nuit, le monde nous appartiennent !

Quand, surgi de nulle part, un Australien vient s'assoir à notre table pour partager sa bière et la sérénité qui baigne l'endroit. Il s'appelle Beau, vient de Melbourne et vend des malles pour les galeries de voitures. Il est venu ici avec sa copine pour un stage de plongée sous-marine. L'île est réputée pour cela.

On échange, on discute, on rigole, on se comprend malgré nos drôles d'accents. Puis Beau s'en va chercher du rhum acheté au Duty Free. Délicieux !

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La soirée se réchauffe. Après quelques verres, notre ami australien décide de mettre un peu de musique et revient de son bungalow avec une petite enceinte. La soirée s'anime davantage ! Le voisin danse sur les tables, la voisine se balance dans son hamac et Beau avale du Tramadol, ici en libre accès dans toutes les pharmacies.

3h30. Il est peut-être temps d'aller se coucher si l'on ne veut pas avoir trop mal à la tête dans quelques heures.

Effectivement, lorsque le jour se lève à travers la moustiquaire, les grosses gouttes de pluie qui font trembler la toile de la tente résonnent aussi un peu dans mes tempes.

Il pleut ? C'est pas possible ! C'est la première fois en 10 jours. Et on est à la plage !

Tant pis, il est trop tôt pour réfléchir. Peut-être que si je me rendors, les nuages disparaitront de l'autre côté de l'horizon... Mais avant de refermer les paupières, un bruit étrange suivi d'une vibration dans toute la tente me fait dresser la tête. Qu'est-ce que c'est que ça ?

IMG_9110.JPGUn petit singe se promène sur notre terrasse et lorgne la poche de bananes suspendue à un piquet devant la tente. Il grimpe dessus et s'empare du fruit avant de disparaitre en un éclair. Bientôt c'est toute la famille qui rapplique, un véritable assaut des tentes tout autour de nous! Les petits font la course en bondissant de branches en branches ou font des glissades sur les toiles tendues des tentes pendant que les plus gros trient les poubelles. Hop ! En voilà un au-dessus de nos têtes. On devine ses petites mains et ses petits pieds à travers la bâche.

Le spectacle dure un quart d'heure puis les singes s'évaporent dans la forêt, comme l'humidité de la pluie sous les rayons du soleil qui pointe son nez.

11h. Il fait très chaud, presque étouffant. L'appel du café noir et du Dolicrâne se fait sentir.

Sur la terrasse du restaurant, nous retrouvons Beau et sa copine qui terminent leur petit-déjeuner.

IMG_9081.JPGÇa y est, il fait jour. On peut enfin admirer le paysage de rêve qui s'offre sous nos yeux encore un peu gonflés. La mer est bien là, avec ses rochers et ses crabes. La végétation déborde des collines. Les palmiers font trempette sur la rive. Je m'aperçois alors qu'une fine langue de terre nous rattache à la colline d'en face. Une toute fine langue de terre, large d'à peine dix mètres. De chaque côté, deux anses, deux bouts de mer. C'est là que nous ferons notre premier plouf, du côté du village de Bang Bao.

Toujours pas de palmier penché, pas vraiment de sable blanc, de gros cailloux qui écorchent les pieds, des déchets en tout genre disséminés par-ci par-là... mais une eau à 30°, certes pas transparente mais calme et s'ouvrant sur une baie magnifique. Face à nous, les maisons sur pilotis du paisible village de pêcheurs.

Voilà donc notre deuxième activité de la journée : rejoindre le village en kayak pour y prendre le déjeuner.

A 16h, après avoir tournicoté un petit moment pour trouver un ponton où débarquer et accrocher nos humbles montures, nous sommes à table au Baracuda, terrasse en bois posée sur l'eau. Cette fois-ci, c'est la vue sur la petite langue de terre et notre camping qui agrémente le repas, qui fut, ai-je besoin de le préciser, savoureux comme d'habitude. Pour favoriser la digestion, petit tour des boutiques, achat de la panoplie du parfait buveur de Chang, de bananes pour le petit-déjeuner des singes et d'une bouteille de rhum pour Beau.

Le soleil est déjà reparti se cacher derrière le voile brumeux du soir lorsque nous reprenons nos kayak et traversons la baie pour rejoindre la maison. Mais à peine avons-nous posé un pied sur la rive que des puces de sable, ou je-ne-sais-quoi, en embuscade sur la plage nous attaquent voracement. C'est un bombardement, un raid aérien qui nous expédie direct nous planquer sous la tente et nous badigeonner de potion locale miraculeuse.

La douche finira d'apaiser le feu de nos peaux rougies par les piqures mais aussi les caresses appuyées du soleil.

Il est déjà temps de se remettre à table sur la terrasse du restaurant.

La mer s'est de nouveau tapie dans le noir et nous murmure de jolies choses pour demain.

"Mais pas trop, dit-elle, il faut garder quelques surprises..."

IMG_9094.JPGIMG_9123.JPG

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

 

La voisine, le 24/02/2016.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


03/05/2016
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